Nouvelles de la semaine/ Weekly Update
Capsule méthodologique: la station totale
L’usage de la station totale est intimement lié au concept de disposition spatiale des vestiges mis à jour. En archéologie, les contextes spatiaux et temporels sont interreliés. En effet, l’emplacement d’une trouvaille permet, grâce aux trouvailles adjacentes ou à la stratigraphie des lieux, de déterminer son époque d’origine. La manière dont les artéfacts sont positionnés quant à elle nous révèle dans quel ordre les activités se sont déroulées sur le site de fouille lors de son occupation, et c’est cet enchainement qui intéresse les archéologues. Dans la culture populaire, l’archéologie est présentée comme une chasse aux objets rares, ce qui n’est pas une conception totalement erronée. Le domaine de l’archéologie, après tout, s’est développé sur fond de passion pour la collecte d’antiquités… L’archéologie moderne cependant est caractérisée par une large collecte de données –et non pas d’objets seulement – et la station totale, grâce à la haute précision des données qu’elle génère, devient un outil indispensable.
Qu’est-ce donc qu’une station totale? Il s’agit, en termes techniques, d’un théodolite électronique. Plus simplement, c’est un ordinateur qui nous permet d’enregistrer avec une extrême précision l’emplacement des trouvailles, des tranchées, des lots ou de tout autre aspect du site. La station totale permet en soi de convertir un objet 3D en une série de points, qui plus tard seront combinés pour former une carte visuelle du site de fouille. Cartographier notre travail d’une manière aussi précise nous permet, entre autres, de comparer nos trouvailles et surtout leur emplacement à celles faites durant des fouilles antérieures, ce qui est particulièrement utile lorsqu’un élément du site est retrouvé dans plusieurs tranchées à la fois (comme une canalisation, par exemple…).
Digital Map of all excavations of the Maison-Nivard site, made using total station points
Comment elle fonctionne:
La station totale est placée sur un point, le repère géodésique, qui demeure fixe tout le long des fouilles, et qui permet de connecter l’ordinateur à un point précis dans l’espace. Son emplacement est choisi selon la visibilité entre l’appareil et les tranchées. En règle générale, le point géodésique est attaché à un repère immobile, tel qu’un tronc d’arbre, mais en son absence sur notre site nous avons simplement enfoncé un clou dans le sol. Chaque matin, en montant l’appareil, nous devons aussi réenregistrer la position du Nord et du Sud, ce qui permet à l’ordinateur de générer les coordonnées x, y et z de nos points dans l’espace, utilisées plus tard lors de la création de cartes en trois dimensions. Pour enregistrer un point avec la station, nous utilisons une barre munie d’un prisme, placée à l’endroit désiré, et qui réfléchit le laser envoyé par la station totale, permettant ainsi à l’appareil de générer la distance entre elle et le point en question.
Une fouille peut être menée à bien sans station totale, et de fait, cet appareil n’est pas présent sur chaque site de fouille. À la Maison-Nivard, non-seulement la station totale est fréquemment utilisée, mais en plus nous nous servons d’un second système de repère géodésique, qui permet essentiellement d’enregistrer les mêmes mesures que la station totale, mais manuellement. L’utilisation des deux systèmes, qui peut paraitre excessive, permet en réalité aux étudiants de se familiariser avec différents modes d’enregistrement des données, un avantage lors de nos excavations futures. Les stations totales sont habituellement réservées aux fouilles de sites préhistoriques, dont les vestiges sont souvent plus fragmentés que ceux d’époque historique. L’usage des techniques d’enregistrement varie également selon le site de fouilles et les méthodes en vigueur associées au site en question. Ces compétences sont transmises de chercheur à étudiant de la même manière que traditions et histoires circulent d’une génération à l’autre au sein d’une même famille.
Contexte géologique de la région
Le contexte géologique de Montréal et ses alentours ont joué un rôle crucial dans l’installation des tout premiers habitants de la région. Il faut noter l’emplacement idéal dont jouit le site de Verdun, proche de la montagne et du fleuve Saint-Laurent, dont les rapides de Lachine témoignent du fort dénivèlement en amont du site.
L’histoire géologique du Mont-Royal s’inscrit dans celle de neuf autres collines, les Montérégiennes, qui se sont formées il y a environ 120 millions d’années. A l’époque, la plaque tectonique sur laquelle reposait ce qui allait devenir le Québec se trouvait au-dessus d’un point chaud (ou « hot spot »), une zone de chaleur anormale dans le manteau de la Terre, qui dans certains cas mène à la production de magma. Ces poches de magma qui remontent vers la croute continentale peuvent percer jusqu’à la surface, formant alors un volcan, mais peuvent tout aussi bien refroidir et se solidifier dans les roches qu’elles traversent lors de leur remontée, sans jamais atteindre la surface. C’est ce dernier scénario qui caractérise les dix Montérégiennes dont fait partie le Mont-Royal. Au cours des millions d’années qui ont suivi l’emplacement de ces poches de granites dans le sous-sol québécois, les roches sédimentaires, plus tendres, qui reposaient au-dessus ont été érodées, exposant alors ces anciennes intrusions magmatiques. Les roches que l’on rencontre aujourd’hui sur la montagne sont ces roches ignées, mais aussi des roches métamorphiques sombres et dures, qui se sont formées lors du contact du magma ascendant avec les roches sédimentaires autour.
L’alignement des dix collines Montérégiennes lors du passage de la plaque Nord-Americaine par dessus le point chaud)> (Source : site de la Reserve Gault du Mont Saint Hilaire https://www.mcgill.ca/gault/about-us/natural-history/geology )
Bien plus tard, à la fin de la dernière période glaciaire, la fonte massive des glaciers qui recouvraient une grande partie du Québec a mené à la formation de la mer de Champlain, qui a existé entre 13000 et 10500 ans avant notre époque. Ces glaciers, d’une épaisseur pouvant parfois atteindre plusieurs kilomètres, avaient en fait comprimé la croute terrestre sur laquelle ils reposaient, permettant alors à l’Atlantique de pénétrer loin à l’intérieur des terres une fois les glaciers disparus. On retrouve des fossiles d’organismes marins, tels que des os de baleine, dans des zones aujourd’hui exposées, ce qui atteste de l’étendue de cette mer. De plus, une fine couche d’argile fut déposée au fond de ce bras de l’Atlantique, menant plus tard à la formation de sols relativement riches et aptes à la culture – ainsi qu’à des maisons penchées, l’argile étant une roche très peu stable… Lentement, la croute continentale, libérée du poids des glaciers, a rebondi à sa hauteur initiale, coupant alors l’accès à l’océan et laissant derrière le fleuve Saint-Laurent tel qu’on le connait aujourd’hui.
À propos des visiteurs
Au cours des dernières semaines, nous avons reçu la visite d’Exeko et ses participants membres des Premières Nations et d’Inuits qui résident à Montréal. Exeko est un organisme de bienfaisance qui vise l’inclusion sociale à travers la pensée philosophique et les arts. Leur projet idAction Mobile, une caravane-bibliothèque, nous a amené deux groupes provenant du Centre d’amitié autochtone de Montréal, avec des représentants de la nation Crie, Anishinaabe, et Inuite. Nous leur avons fait visiter le site et leur avons présenté les artefacts principaux que nous avons trouvés depuis le début de notre saison de fouille. Nous avons eu des échanges fort enrichissants avec eux. Ils nous ont présenté leurs différentes perspectives à propos de l’histoire de l’occupation autochtone sur l’Île de Montréal et ont partagé leurs connaissances à propos des artefacts d’origine amérindienne que nous avons trouvés. Des participants inuit ont aussi initié une discussion à propos du type de vestiges archéologiques que l’on retrouve dans l’Arctique, en comparaison avec ceux de Montréal. Évidemment, avec le sol gelé en permanence dans le nord, on n’y pratique pas le même type de fouilles archéologiques qu’ici! Nous avons donc discuté avec eux des différentes formes d’archéologie pratiquées au pays, incluant ses aspects collaboratifs avec les Premiers Peuples. La visite de ces membres du public était importante pour nous, étant donné que nous étudions 5000 ans d’occupation du site par leurs ancêtres autochtones.
Weekly Update
Methodology: the total station
To understand the purpose of the total station one must first grasp the concept that all excavated remains are in some way spatial. In archeology the temporal and spatial context of finds are related. In other words, where we find something tells us from which period it came based on surrounding finds or soil stratigraphy. Spatial context also tells us the sequence in which items were laid down. These sequences are what archeologists are after. Archeology is often presented in popular culture as a hunt for rare objects, and there is some truth in that as the field of archeology developed out of antiquarianism. However modern archeology is primarily about data collection and gathering accurate points with a total station can provide researchers with abundant information.
So what is the total station? The technical term for a total station is an electronic theodolite. In simpler words, it is a computer that allows us to record the location of finds, trenches, lots, and features with extreme precision. When using the total station we essentially take a 3D object or feature and reduce it to a series of points. These points are later translated into maps. Mapping our work in such a detailed manner allows us to compare it to previous digs on the same site and these comparisons can reveal useful information about where we can expect a feature to continue from one trench into another.
Hand-drawn map Trench 17 and 18 (with drain)
How it works:
The total station is placed on a point that remains fixed throughout the excavation, thereby tying the computer to a physical point in space. This fixed point is called a bench mark, or a datum. The datum position was chosen because it has a full view of all the trenches without interference. Generally the datum is connected to an unmovable landmark, such as a tree stump, but no such landmark was available for this excavation. Every morning we also record two other fixed points to the north and the south, and using these alongside the datum the computer is able to use trigonometry to record the points we take. When the total station takes a point it is recording the position of that point on the x, y, and z axes, which orients the desired point in a 3D space. When the recorded points are later input into a computer system we are able to create 3D maps of the space. To take a point we use a pole with a prism on top as a target for the total station. One person holds the pole at the desired place and another point the total station in the direction of the pole. The total station then shoots a laser at the prism on top of the pole and the prism reflects the laser back at the total station.
Computer map of Trench 17 and 18 (with drain)
Geological context of the region:
The geological context of Montreal and the surrounding area play a crucial role in the settlement of the first inhabitants of the region. We should note that the ideal location of the site of Verdun as it is close to the mountain and the Saint-Laurent River. The site may be located at this point because travellers on the river would have had to portage across the spot to avoid the Lachine rapids.
The geological history of Montreal is inscribed in the nine other hills, the Montérégiennes, which were formed approximately 120 million years ago. At this time, the tectonic plates on which Quebec is now located passed over a hot spot, an abnormally hot area in the mantle of the earth that in certain cases generates magma. These pockets of magma that rise toward the continental crust can pierce the surface and form a volcano. However they can also cool and solidify in the rocks they intrude, and thus never reach the surface. In the case of the nine Montérégiennes, one of which is Mont-Royal, the magma cooled beneath the surface. In the millions of years that followed the emplacement of these pockets of granite in the Quebec subsurface, the softer sedimentary rocks that laid above got weathered, thus exposing the ancient magmatic intrusions. They now stick out of the landscape as the Montérégiennes Hills. Rocks found today on top of the hills include the igneous rocks of the cooled magma, but also hard and dark metamorphic rocks, which formed during contact of the intrusion with sedimentary country rock.
Much later, at the end of the last glacial period, the melting of the glaciers that covered a large part of Quebec lead to the creation of the Champlain Sea, which existed between 13, 000 and 10,500 years before present. These glaciers, which in some areas had a thickness of up to several kilometers, had in fact depressed the continental crust on which they laid, letting the Atlantic Ocean flow onto the North-American continent once the glaciers were gone. This inlet of the ocean was called the Champlain Sea. These areas are now exposed and we often find the fossils of marine organisms, such as the bones of whales, which is evidence for the previous existence of a sea. Moreover, a thin clay layer was deposited at the bottom of the sea, which gave rise to the relatively fertile soils found in parts of Quebec. The clay layer was also a source of architectural concern, as clay is a very unstable rock on which to build houses… Slowly, the depressed land rebounded to its original height in a process called isostatic rebound, thus preventing the ocean from flowing on the land, and ending the geologically brief existence of the Champlain Sea. The Saint-Laurent is its remote ancestor.
About our visitors:
Over the past weeks, Exeko visited us with First Nations and Inuit participants who live in Montreal. Exeko is a non-profit organisation that works for social inclusion people through philosophical thinking and arts. Their project idAction Mobile, a caravan-library, came to our site with two groups from the Native Friendship Centre, including representants of the Cree, Anishinaabe and Inuit nations. We gave them a tour of the archaeological site and we showed them the principal artefacts that we found since the beginning of our dig. The discussions tat we had with them were very enriching. They explained their different perspectives regarding the history of Native occupations on the Island of Montreal, and they shared their knowledge about the native artefacts that we found on the site. Some Inuit participants also initiated a discussion about the type of archaeological features that we find in the Arctic, compared to the ones found in Montreal. Of course, with the ground permanently frozen up north, archaeological practices among Inuit are very different! Therefore, we discussed the different archaeological practices across the country, including the collaborative aspects with descendants communities (First Peoples). Having visitors of this type was very important for us, as we are digging over 5000 years of site occupation by their Native ancestors.
Laisser un commentaire