L’inventaire et le catalogage
La semaine dernière dans ce blogue, nous avons expliqué comment nous faisons le nettoyage des artefacts. L’étape suivante est encore plus importante; il s’agit du processus d’inventaire et de catalogage. Une fois le nettoyage complété, les artefacts sont divisés par lots (une couche dans une unité de fouille) et par matériaux comme le métal, le verre, la céramique ou les os. Ensuite, chaque groupe d’objets est ensaché avec le numéro du site, du lot et le type de matériel inscrit sur le sac. Dans le processus d’inventaire et de catalogage, les artefacts demeurent toujours séparés par lots pour garder intacte l’intégrité du contexte archéologique.
L’inventaire inclut tous les fragments extraits du sol lors de la fouille. En premier lieu, le numéro du site, du lot et de catalogage, si applicable, est enregistré. Par la suite, le matériel et la fonction de l’artefact sont identifiés et codifiés selon un système mis en place par Parcs Canada. Il y a plusieurs niveaux de code permettant de définir le type de façon précise. À titre d’exemple, le premier chiffre indique un type général (par exemple, céramique) et les chiffres qui suivent introduisent les précisions. Par exemple, dans le code 1.1.2.31, le 1 indique la céramique, l’autre chiffre 1 spécifie terre-cuite, le 2 indique de type fine et le 31 indique « creamware ». Ensuite, on enregistre le nom de l’objet (exemple : contenant), le nombre de fragments et le nombre maximum d’objets qui pourraient être présents. On évalue également l’intégrité de l’artefact. Il peut être entier, c’est-à-dire un objet intact dont il ne manque aucun élément, ou bien fragmentaire ou non reconstituable. Pour terminer, nous décrivons dans la section commentaires des particularités et un sommaire de l’objet.
Une fois tous les artefacts inventoriés, chaque lot est placé pour l’entreposage dans une boîte qui porte un numéro enregistré par la suite dans l’inventaire. L’information au sujet des artefacts notée pour le catalogage est la même que celle que l’on retrouve dans l’inventaire, mais en plus détaillé, par exemple, les dimensions de l’objet, le contexte archéologique, la technique de fabrication ou le fabricant si possible, l’origine du matériel, etc. La prochaine étape comprend le catalogage, ce qui inclut seulement les artefacts considérés comme étant importants. Le but du processus d’inventaire et de catalogage est de permettre à d’autres chercheurs d’avoir accès aux découvertes du site et rendre les artefacts faciles à localiser dans le système.
La stratigraphie
Bien qu’une grande partie de la pratique archéologique repose sur les artefacts mystérieux et les trésors perdus depuis longtemps, Hollywood a souvent privé le public d’un des outils les plus essentiels que l’archéologue utilise pour déchiffrer l’histoire: l’analyse des sols. L’analyse du sol, ou stratigraphie archéologique, est un outil essentiel pour l’archéologue. Bien que le processus de datation d’un site à l’aide d’artefacts soit un outil indéniablement fascinant et utile, l’archéologue sur le terrain a besoin d’une méthode précise et efficace pour comprendre la nature du site ainsi que les détails concernant l’occupation. Sur le site de la Maison Nivard, nous utilisons la stratigraphie.
La datation d’un site grâce à la stratigraphie repose sur quelques principes de base. D’abord, chaque fois que la terre est manipulée, elle laisse une trace ou un changement dans le sol, appelé un «événement» archéologique. On parle aussi de «contextes». Par exemple, si des individus coupent du verre ou des bols quelque part et creusent un fossé où déposer ces objets, alors ce fossé et tout sol au-dessus qui remplit le fossé, seront considérés comme deux contextes distincts.
Le deuxième principe de la stratigraphie est le suivant : plus vous creusez, plus le sol que vous rencontrez sera ancien. Dans l’analyse de ces couches, on doit se pencher sur la séparation de la couleur, la texture et la densité du sol afin de déterminer une chronologie. Au sommet de nos trois tranchées, nous avons trouvé un sol gris-jaune qui était modérément facile à creuser. Après avoir trouvé en dessous une couche de schiste, nous avons été en mesure de déterminer que le sol jaune était un remblai datant de 1940. Nous savons que cette terre provenait de l’autre côté de Montréal, et jetée sur le rivage pour créer le parc Georges-Vanier.
Un autre principe de la stratigraphie archéologique repose sur l’idée de « coupes » dans les contextes. Puisque nous supposons que le sol le plus ancien est en dessous de la nouvelle terre, des ruptures dans la chronologie des sols peuvent nous en apprendre beaucoup au sujet du site. Ces ruptures sont appelées coupes ou caractéristiques. Les coupes sont déchiffrables à travers des changements dans la couleur et la texture du sol, qui est alors rempli par la couche de sol au-dessus. Sur notre site, nous pouvons donc déchiffrer qu’une surface a été coupée lorsque le sol a été déposé dans une autre couche. Si cette coupe est d’une forme distincte, l’archéologue peut émettre des hypothèses sur ce qui a été placé dans cet espace, et pourquoi. Par exemple, si le sol d’une époque plus récente remplit un grand espace en forme de foyer, et est entouré par de la roche fissurée par le feu, des os d’animaux, ou d’ustensiles de cuisine, il y a une bonne chance que l’espace ait été autrefois fois un foyer. En bref, l’archéologue doit utiliser la stratigraphie pour voir l’espace négatif d’une caractéristique, puis le sol autour de cette dernière afin de déterminer sa nature et sa fonction.
La stratigraphie est un outil essentiel de l’archéologie – tout aussi important pour l’archéologue que l’analyse des artefacts. Cette méthode a été essentielle à notre équipe de fouilles de la Maison-Nivard pour notre compréhension de la chronologie et l’utilisation de ce site, et va sans aucun doute continuer de l’être pour les prochains étudiants.
Les os d’animaux
La première découverte faite lors de l’excavation à la Maison Nivard fut celle d’un os d’animal. L’analyse des restes d’animaux peut nous fournir beaucoup d’information sur l’occupation du site, comme par exemple l’alimentation des gens qui ont habité la maison ou alors la faune locale. Plusieurs ossements d’animaux ont été découverts dans chaque tranchée que nous avons fouillée, la plus grande quantité ayant été trouvée dans la tranchée où l’on a aussi trouvé le drain (voir notre blogue de la semaine précédente).
Jusqu’à maintenant nous avons trouvé des restes bovins (peut-être un bœuf ou une vache), d’oiseaux, de mouton ou de chèvre, de rongeur et de porc. Il pourrait s’agir d’animaux domestiques introduits par les Européens (les colons français). À l’étape des strates d’occupation amérindienne, nous découvrirons sans doute des animaux d’origine locale. Et de fait, nous avons trouvé, vers la fin de cette semaine, des ossements de poisson dans un niveau qui contenait aussi un artefact amérindien (un biface transformé en grattoir de la culture Meadowood, période du Sylvicole inférieur, 3000 à 2400 avant aujourd’hui). Ceci témoigne de la présence d’Amérindiens venus camper et pêcher sur les berges ici-même.
Certains ossements présentent des marques faites par un outil (dépeçage, découpe de carcasse). On peut donc déduire qu’un boucher européen ou un Amérindien est intervenu. La coupure nette indique que l’os a été traité par une scie de boucher européen et des marques de lames d’un couteau de pierre et des cassures sur l’os indiquent plutôt un traitement exécuté par un Amérindien. De plus, certains artefacts nous indiquent la présence d’animaux nuisibles dont les colons essayaient de se débarrasser, tels que des fragments de bouteille de poison trouvés près de la maison (voir la photo dans l’onglet artefact du jour de la semaine dernière). Ces bouteilles contenaient du poison à rats. Nous trouvons aussi beaucoup d’ossements de petits rongeurs dans nos tranchées, ce qui pourrait indiquer que ces poisons étaient efficaces!

La céramique
La céramique est l’un des types d’artefacts les plus communs retrouvés sur le site de la Maison Nivard. L’étude de la céramique est extrêmement essentielle pour les archéologues, car elle représente une importante source d’information sur la culture matérielle et sur les habitudes quotidiennes de ceux qui l’ont produite. La céramique est faite d’argile cuite à de très hautes températures, ce qui fait qu’elle se préserve plus facilement. On la retrouve souvent en petites pièces cassées que les archéologues appellent des « tessons. »
Les tessons de poterie qui ont été retrouvés sur le site témoignent de plusieurs méthodes de production, de motifs décoratifs, et de vitrage (une couche de vernis pour colorer ou ajouter une touche décorative), ce qui nous fournit des renseignements sur la provenance des pièces, et peut également servir de base pour la datation d’autres types d’artéfacts qui ont été trouvés dans la même couche stratigraphique.
La céramique que nos archéologues à la Maison Nivard ont trouvée provient de plusieurs sources. On retrouve de la poterie amérindienne ainsi que la céramique européenne de la Grande-Bretagne. Depuis plus de 3000 ans, les Amérindiens qui occupent la région façonnent un type de poterie unique à leur culture. Ces pièces ont jadis servi de récipient pour la nourriture, pour l’entreposage et le transport (voir le blogue de la semaine dernière pour plus de détails).
La colonisation française du territoire a été suivie par la conquête britannique en 1760. À partir de ce moment, la plupart des pièces de céramique furent importées de la Grande Bretagne. Les tessons de céramique anglaise sont caractérisés par un vitrage blanc avec des motifs décoratifs variés de couleur bleuâtre, inspirés de la porcelaine chinoise. On peut ainsi comparer le rebord des fragments à ceux d’une assiette relativement complète retrouvée à la Place d’Youville, afin de nous aider à dater la strate archéologique dans laquelle ils se trouvaient (voir 2 photos).


Inventory and cataloguing
Two weeks ago in this blog, we explained how to clean the artefacts. The next step, which involves inventory and cataloging, is considered of even greater importance. Once cleaning is complete, the artifacts are divided according to lot number (a layer of an excavation unit) and material types such as metal, glass, ceramics or bone for example. Afterwards, each group of artefacts is bagged and labelled by site and lot number as well as material type. During the inventory and cataloging process, the artefacts remain separated according to the lots in which they were found in order to keep the integrity of the archaeological context.
The inventory includes every fragment that was unearthed during the excavation. Firstly, the number of the site, the lot, and the catalogue, if applicable, is recorded. Afterwards, the material and function of the artifact is codified according to the system of Parks Canada. There are many levels included in the code which allow the type to be defined precisely. The first number in the code indicates a general type such as ceramics and the numbers that follow add more precision. For example 1.1.2.31, the first 1 indicates ceramic, the following 1 refers to terracotta, the 2 indicates that it is fine grained, and the 31 specifies creamware. Next, we record the name of the object, such as container, the number of fragments and the maximum number of objects that could be present. We also evaluate the integrity of the artifact ranging from complete, where there are no elements missing, to fragmentary in which the object cannot be reconstructed. Finally, any particularities and a brief summary of the object are described in the comments section.
Once each artefact has been entered in the inventory, each lot is placed in a box with a given number to be put in storage and the number is recorded in the inventory. The information recorded for the artefacts in the cataloging process is the same as the inventory but with more details. This includes their dimensions, the archaeological context, the manufacturing technique or the manufacturer if possible, the origin of the material, etc. Cataloging only involves the artefacts that are judged important according to their rarity, their completeness, and their pertinence to the research question of the site. This is why we record certain objects in depth. The reasoning behind the process of inventory and cataloging is to allow for other researchers to have access to the site’s discoveries and for artefacts to be easily located in the system.
Stratigraphy
Although much of archeological practice lies in mysterious artefacts and long-lost treasures, Hollywood has oft-deprived the public of one of the archaeologist’s most vital tools in deciphering the past: soil analysis. Soil analysis, or archeological stratigraphy as it is also referred to, is a veritable Swiss Army knife to the archeologist. Though the study of artefacts is an undeniably fascinating and useful tool to dating a site, the archaeologist in the field needs an accurate and efficient method to understand the nature of the site, as well as details of its occupation. On the Maison Nivard field site, we use stratigraphy every day.
The process of dating a site through stratigraphy relies on a few basic principles. The first is that every time the earth is manipulated, it leaves an impression or change in the soil, called an archeological « event ». These “events” are often referred to as “contexts”. If people cut bowls or glass somewhere and created a particular ditch, then this ditch, and any soil above that filled the ditch, would be considered as two separate contexts. The second principle that archeologists rely upon is that the further you dig, the older the soil you encounter will be. In analyzing these layers, we have to look at the separation of the color, texture, and density of the soil in order to determine a timeline. At the top of all three trenches, we found a greyish-yellow loose sort of soil which was moderately easy to dig. Upon finding the layer beneath that, a layer of shale, we were able to determine the yellow soil was a 1940’s « fill »–soil used that has been deposited on another layer. In this case, it was moderately easy to identify as fill, as records showed that it had been taken from the other side of Montreal, and dumped onto the shore to create Parc Georges-Vanier.
Another principle that archeological stratigraphy relies upon is the idea of « cuts » within contexts. Because we assume that the oldest soil lays below the newest soil, any breaks in the chronology of older soil can tell the archaeologist a great deal about the site. These are called cuts, or features. Cuts are decipherable breaks in the color and texture of soil, which is usually then filled in by the soil layer above it. On our site, we can therefore decipher that a surface has been cut when soil has been deposited into another layer. If this cut is in a distinct shape, the archeologist can theorize about what was placed in this space and why. For example, if soil from a more recent era fills in a large hearth-shaped space, and is surrounded by fire-cracked rock, animal bones, or other kitchen utensils, there is a good chance that the space was once a hearth.
Stratigraphy is an essential tool of modern archaeology–just as important to the archaeologist as artifactual analysis. It has been vital to the Maison-Nivard Field School team in understanding the chronology and use of this site, and will undoubtedly continue to be so.
Animal bones
The first discovery at the Maison Nivard was an animal bone. The analysis of animal remains can yield a lot of information on a site, such as local versus domesticated species, and diet. Animal bones have been found in each trench. The largest concentration of fragments was found in the trench where the drain is located (see last week’s blog about the drain). Among the faunal remains, many were local species and others were likely processed for consumption or clothing. Thus far, we have excavated bird, cow, rodent, sheep, goat, and pig remains throughout the site. These may well have been domesticated animals introduced by Europeans, and thus we suspect to find more local species once we arrive at the layer of Native occupation. In fact, we found this week some fish bones in association with a Native artefact (a biface transformed into a scraper, from the Meadowood culture during the Early Woodland period, 3000 to 2400 years before present). This indicates the presence of Native people camping and fishing here on the site.
A few bone fragments had cut marks which, according to the nature of the mark, can be used to deduce whether the bone was processed by a European butcher or by Native Americans. The reasoning behind this is that the different tools used by each of these groups to process meat left different impressions or cut marks on the bone. For instance, a bone processed by Native individuals would leave marks from a knife blade made of stone and have more jagged-edged breaks, whereas a clean cut mark would be indicative of a saw from a European butcher. Furthermore, some artefacts indicate the presence of unwanted animals, which European settlers were trying to get rid of, such as fragments of a poison bottle that we found near the Maison Nivard (see last week’s artefact of the day photo). These kinds of bottle contained poison for rats. We also find a lot of rodent bones in our trenches, which mean that these poisons were probably very efficient!

Ceramics
Ceramics are one of the most common types of artifacts being found so far at the Maison Nivard site. Their study is extremely important for archaeologists, because they are a valuable source of information on the material culture and everyday behaviours of those who produced and/or used them. Ceramics are made of clay fired at very high temperatures, which is why they are preserved in such great proportions. They are often found as broken fragments archaeologists call « sherds. »
The pottery shards unearthed at the site illustrate a number of different production methods, decorative patterns and glazing (a layer or coating designed to give color and to further embellish the piece). This supplies information on the provenance of the artefact (i.e. where and when it was made), which can ultimately serve as a basis for dating other types of artifacts that have been found in the same stratigraphic layer.
Our archaeologists at Maison Nivard have stumbled upon various sources of pottery, including Native American and European, more specifically from Great Britain. The Native population in the region have been manufacturing their own unique type of pottery for over 3000 years. These pieces once served as recipients for food, storage and transportation (see last week’s blog for more details).
The French colonisation on Quebec’s territory was followed in 1760 by the British. By then, a majority of the ceramics were being imported from Great Britain. English ceramic sherds are characterized by a white glaze with various decorative patterns of a bluish color, inspired by Chinese porcelain. We can thus compare these fragments to the edges of a plate found at Place D’Youville in order to help and date the layer in which they were deposited (see photos).
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